Exhibition

Humains malgré tout

INSTALLATION VIEW “Humains malgré tout”, 2025. Courtesy of the Artist and Sultana.

 

Gaël Sillere’s practice explores the relationship between human beings and their environment through stagings that are at once dreamlike and satirical.

Domestic life—a term encompassing household chores as well as leisure and wellness—provides the backdrop for Sillere’s eerily familiar scenes. By subverting the everyday, the artist unfolds a parallel universe in which absurdity permeates even the smallest details, down to the human body itself.

Reminiscent of digital avatars, the hybrid figures that inhabit Sillere’s compositions transcend the limits of their own bodies to merge with their surroundings. Cut off from the diversity brought by other lifeforms, humanity turns towards its own creations, exposing the fragility of our connection to the living world in our contemporary era.

Whether through drawing, photography, video, or performance, Gaël Sillere invites viewers to look at our world through a distorted mirror—one where humanity grapples with capitalism and its relentless drive to eroticize both commodity and experience.

In the face of this asymmetrical relationship, Sillere calls upon the liberating powers of fiction: “Reality, in this sense, is merely a pretext to open the first hidden door to the imagination—to allow oneself to dream.” And, above all, to laugh.

A graduate of the École des Beaux-Arts de Toulouse and the École Nationale Supérieure de la Photographie in Arles, Gaël Sillere has exhibited at a.o. Bozar (Brussels, 2022); La Villette (Paris, 2021); Les Rencontres d’Arles (2019); Palais de l’Archevêché (Arles, 2019); and the Manuel Rivera-Ortiz Foundation (Arles, 2019). In 2024, he presented his first solo exhibition, Homo domesticus, curated by Margaux Bonopera and Grégoire d’Ablon at L’Opéra, Arles.

 

 

La pratique de Gaël Sillere explore la relation de l’humain à son environnement à travers des mises en scène à la fois oniriques et satiriques.

La vie domestique — terme qui englobe autant les tâches ménagères que le bien-être et les loisirs — constitue le décor de ses saynètes étrangement familières. Par le détournement, l’artiste déploie un univers parallèle au nôtre où l’aberration s’insinue jusque dans les corps.

Les êtres hybrides de ses compositions, semblables à des avatars, dépassent les limites de leur enveloppe corporelle pour se fondre dans leur environnement. Privé de l’altérité d’autres formes de vie, l’humain s’en remet à ses propres créations, exposant ainsi la fragilité du rapport au vivant dans notre monde contemporain.

Que ce soit par le dessin, la photographie, la vidéo ou la performance, Gaël Sillere invite le spectateur à observer notre monde à travers un miroir déformant : l’humanité s’y trouve notamment aux prises avec le capitalisme et ses mécanismes d’érotisation constants de la marchandise et des expériences.

Face à ce rapport asymétrique, Gaël Sillere convoque les forces libératrices de la fiction : « Le réel, en ce sens, est un prétexte à pousser la première porte dérobée vers l’imaginaire, pour s’autoriser à rêver. » Et surtout, à rire.

Diplômé des Beaux-Arts de Toulouse et de l’ENSP Arles, Gaël Sillere a exposé son travail notamment à : Bozar (Bruxelles, 2022) ; La Villette (Paris, 2021) ; Les Rencontres d’Arles (2019) ; Palais de L’Archevêché (Arles, 2019) et Fondation Manuel Rivera-Ortiz (Arles, 2019). En 2024, il a présenté sa première exposition personnelle, Homo domesticus, curatée par Margaux Bonopera et Grégoire d’Ablon à L’Opéra à Arles.

 

INSTALLATION VIEW “Humains malgré tout”, 2025. Courtesy of the Artist and Sultana.

 

The Yellow Book explore le thème de l’amertume et la relation singulière au temps que cet affect produit. L’amertume est une émotion que l’on nous apprend à cacher : elle est considérée comme négative puisqu’elle ne permet ni élévation ni rédemption. Dans une culture valorisant la productivité et le développement personnel, elle peut sembler obstinée, impulsive voire socialement corrosive. L’amertume s’ancre dans l’immanence et s’attarde sur la blessure plutôt que de chercher à la sublimer. À cet égard, elle s’accorde mieux avec le rythme cyclique propre au mythe plutôt qu’avec l’élan linéaire du temps historique.

Dans cette série de peintures, la complexité des motifs et l’obsession du détail suggèrent à la fois le plaisir et l’anxiété. Ils font écho aux stratégies visuelles de la Décadence, à sa fascination pour le déclin et ses visions apocalyptiques. Les formes, qu’elles soient architecturales ou organiques – nerfs de verre, fibres musculaires, orties, acide citrique et structures brisées- évoquent une matière marquée par la corrosion et le contact. Dans ces compositions, les ouvertures fonctionnent non pas comme des seuils à franchir, mais comme des espaces où demeurer. Elles rappellent, dans leur logique visuelle, les stigmates de la mystique catholique, ces éléments concrets qui invitent à la méditation.

Cette attention au corps et cette intensité des sentiments se retrouvent dans des figures que je considère comme emblématiques de l’amertume : un dessin de Prométhée par Sergueï Eisenstein, entouré de papillons-plumes et de chenilles dévorant du liseron ; une image de Nijinski, dont la parole est extraite par le système deventilation d’une pièce aux airs de confessionnal ; ou encore une affiche imaginée pour le film Théorème de Pasolini, représentant un intérieur vide dominé par une fenêtre en T suggérant une intervention chirurgicale.

Le titre de l’exposition fait référence à The Yellow Book, revue illustrée par Aubrey Beardsley, qu’Oscar Wilde aurait portée sur lui lors de son arrestation pour “outrage aux bonnes mœurs”. Dans les années 1890, The Yellow Book devint un symbole du danger moral et cristallisa de nombreuses angoisses liées à la sexualité et à la corruption. Dans ce contexte, le livre, par sa couleur jaune acide, révèle le lien entre le décadentisme, l’identité queer et le rapport mélancolique au temps. Loin de chercher à la transcender, l’esthétique de la Décadence s’inscrit dans un engagement physique permanent avec la blessure.

 

Justin Fitzpatrick (Traduction : Julia Metropolit)

 

* La Décadence, ou décadentisme, est un mouvement littéraire et artistique de la fin du XIXᵉ siècle, qui s’est développé principalement en Europe et aux États-Unis. Il se caractérise par le rejet de l’idéologie du progrès et du matérialisme bourgeois, au profit d’une esthétique raffinée, d’un dandysme assumé et d’une vision désenchantée du monde.

 

INSTALLATION VIEW “Humains malgré tout”, 2025. Courtesy of the Artist and Sultana.

 

WEB     INSTAGRAM

2025. 11. 29. (Mon) – 2026. 01. 31. (Tue)

Sultana